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FM Berthier

FM Berthier

Le F.M. Berthier est le dernier des fusils mitrailleurs conçu avant la Grande Guerre ; il rejoindra donc ici la famille des Madsen, Lewis et Hotchkiss. Son étude est indispensable pour expliquer la genèse de notre fusil mitrailleur national, le F.M. 24-29.

 Auteur : Pierre Lorain

Le F.M. Berthier était considéré en 1922 comme une des meilleures armes automatiques mondiales ; proposé entre 1910 et 1922 dans un grand nombre de modèles, on le chambra pour les cartouches espagnoles, françaises, américaines et anglaises ; arme d'essai française, il fut testé en grand dans la troupe durant l'hiver 1922-1923. Paradoxalement, le F.M. Berthier reste un inconnu. Il apparut pourtant constamment en filigrane durant les longues années d'étude et de mise au point de l'arme automatique du groupe de combat; ombre, fantôme évanescent et malchanceux, il accompagna le F.M. BAR jusqu'à la période d'entre les deux guerres et son influence sur la conception de l'arme de Browning n'est pas impossible. D'origine française, mais fabriqué, ironie du sort, par les Belges et les Anglais, il est à peu près ignoré chez nous. Son inventeur même reste assez mystérieux, car il ne faut pas confondre le créateur du système Berthier bien connu, chef de bureau à la compagnie algé¬rienne des chemins de fer de Bône-Guelma et responsable de la famille prolixe des armes individuelles qui portent son nom (mousqueton 1892 et fusil 07-15 entre autres), avec l'inventeur du fusil-mitrailleur qui fait l'objet de cette étude.<br!< Une recherche en archives nous fit découvrir, par un heureux hasard, à la fois la personnalité de ce second Berthier, les comptes rendus détaillés des essais effectués dans l'armée française et les photographies des différents modèles. Nous pensons qu'une fois encore les lecteurs de la Gazette des Aimes auront la primeur de documents inédits représentant ce qui pourrait être considéré comme le maillon manquant dans la genèse de notre fusil mitrailleur national.


 

Qui était donc André Berthier?
L'auteur américain W.H.B. Smith, dans son livre "Small Arms of the World", le mentionne comme étant un officier général français. Or, fait étrange, nous n'en retrouvons aucune trace dans l'ouvrage capital du général Challéat récapitulant dans le détail les travaux du comité d'artillerie. Et pour cause, notre compatriote Berthier était bien général, mais "Général du Grand Turc" !, ayant mis ses connaissances armurières au service de la "Sublime Porte" comme cela se faisait à l'époque ; l'armée ottomane s'entourant de "conseillers techniques" européens dorés sur tranche, comblés d'honneurs et de titres étincelants.
La révélation de cette identité se trouve dans la note de la commission d'expériences de Versailles datée du 2 septembre 1911 et résumant les essais d'un fusil mitrailleur présenté par "M. le général Berthier Pacha" ! La note commence ainsi :
"Par dépêche ministérielle n° 33583-2/3 du 22 juillet 1911, la commission d'expériences de Versailles était avisée que le "général Berthier Pacha" de l'armée ottomane, était autorisé à lui présenter deux nouveaux fusils mitrailleurs de son invention. Le général Berthier Pacha, accompagné d'un ouvrier armurier, est arrivé à la commission le 1er août 1911. n était porteur d'un fusil dénommé par lui "Système A. Berthier modèle 1911"...


 

Le système Berthier de 1911
Comme on peut le penser, l'arme n'était pas de fabrication turque. Berthier s'était adressé à l'une des meilleures maisons belges du temps, la "Société des anciens établissements Pieper" de Liège, entreprise rivale de la célèbre "Fabrique nationale" dans 'laquelle l'Américain John M. Browning avait ses intérêts. La firme Pieper fabriquait entre autres le pistolet automatique "Bergmann-Bayard" modèle 1903 dont des exemplaires richement incrustés d'or avaient justement été adressés en guise de cadeau à la Sublime Porte au début du siècle.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement français n'eut pas l'air de faire trop grise mine à notre compatriote mercenaire chez les Turcs et il essaya avec le plus grand soin les armes qui lui furent proposées. La première était une arme automatique légère servie en principe par trois hommes : un tireur, un chargeur et un aide "injecteur d'eau". A la rigueur, le tireur pouvait suffire à assurer le service de l'arme. Chacun des hommes de l'équipe portait 400 cartouches, en char-geurs de 20 ou 30, ainsi qu'une gourde en "caoutchouc amiantiné" contenant 2 litres d'eau et destinée au refroidissement du canon. La masse de l'arme seule était réduite à 7kg; son canon avait été chambré au calibre "7 mm Mauser espagnol" (cartouche réglementaire de 1893). Un levier sélecteur permettait le tir coup par coup aussi bien qu'en rafales. La crosse était constituée par un tube contenant le ressort récupérateur, en ligne" avec l'axe du canon ; ce qui, pour l'époque, sortait de l'ordinaire. Le principe de fonctionnement était celui de l'emprunt de gaz en un point du canon ; le système de verrouillage consistait en un verrou articulé en rotule avec la culasse qui venait se bloquer dans un logement du boîtier de culasse lors du départ du coup : • disposition que Browning devait reprendre dans son F.M. BAR. L'arme ne comportait aucune vis et se démontait entièrement à la main sans le secours d'aucun outil. La précision du tir à 200 mètres était excellente puisque les essais de Versailles donnèrent les résultats suivants :
- Tir coup par coup : h 40 cm, L 40 cm, durée du tir 25" ;
- Rafales de 4 à 6 coups : h 92 cm, L 120cm, durée du tir 8";
- 20 cartouches en rafale : h 115cm, L 198cm, durée du tir 2".

La rapidité pratique du tir attei-gnait 160 coups minute avec l'équipe au complet et 100 coups minute lorsque seul le tireur servait l'arme. On notera, sur 300 cartouches tirées en 10 chargeurs, 4 incidents de tir dont 3 dus à un mauvais accrochage de la boîte-chargeur et 1 dû à un raté de percussion.

On critiqua la poignée d'armement de dimensions insuffisantes et mal placée pour le tireur, l'accrochage peu sûr des chargeurs ; mais surtout le mauvais fonctionnement du système de refroidissement et les surpressions de vapeur dans la jaquette entourant le canon qui entraînaient un blocage de l'injection d'eau fraîche à partir de la gourde. La commission d'expériences de Versailles recommanda donc la modification de l'emplacement de la poignée d'armement et du système d'accrochage du chargeur ainsi que la suppression du sys-tème de refroidissement à eau, qu'un canon plus étoffé et muni d'ailettes, à l'image du F.M. Hotchkiss, permettrait d'éliminer. Néanmoins, l'arme fut jugée suffisamment intéressante pour que l'on demanda à Berthier de bien vouloir présenter un nouveau modèle d'arme conçu pour tirer la cartouche réglementaire française de 8mm, modèle 1886-D.


 

Le système Berthier de 1912
Berthier "Pacha" semblait têtu puisque l'arme nouvelle, chambrée pour la cartouche française, avait conservé son système refroidisseur à eau, légèrement amélioré il est vrai. Néanmoins, satisfaction avait été donnée à nos desiderata en ce qui concernait l'emplacement du levier d'armement, maintenant placé sous la boîte de culasse, et la modification du système d'accrochage des boî-tiers chargeurs.

L'arme de 1912, comme celle de 1911, était approvisionnée à 1 200 cartouches ; mais, en raison de la forme, du volume et de la masse de la cartouche française, la masse à transporter par les 3 servants dépassait 70 kg ! En effet, les chargeurs garnis de 20 cartouches de 8mm atteignaient une masse de 1 kg contre 780 grammes pour les chargeurs contenant des cartouches de "7 mm espagnol". De plus, du fait de notre malheureuse munition, la forme des chargeurs, trop fortement incurvée formait obstacle au transport et le rapporteur de la commission signalait que : "Etant donné la forme des chargeurs, l'encombrement des munitions pour leur transport se-rait considérable : une caisse convenablement aménagée, du volume d'une caisse réglemen-taire de munitions (1 920 cartou-ches en paquets), contiendrait dif¬ficilement 50 chargeurs, soit 1 000 cartouches, c'est-à-dire serait sensiblement d'un rendement moitié moindre".

Résultats des tirs:
Les tirs de précision furent jugés remarquables avec la cartouche française puisque les groupements furent les suivants à 200 mètres:
- Tir coup par coup : h 40 cm, L 30cm, durée du tir 25";
- Rafales de 4 à 6 coups : h 50 cm, L 40 cm, durée du tir 8" ;
- 20 cartouches en rafale : h 60cm, L 60cm, durée du tir 2".
Par contre, les incidents de tir atteignirent des proportions inacceptables : sur 1 200 cartouches tirées, on eut 12 éjections incomplètes, 4 ratés de percussion et 2 introductions défectueuses de la cartouche.
Au cours de la 2e série de tirs, après le tir de 160 cartouches seu¬lement, le nombre d'incidents de tir atteignit 13 % dont 4 éjections incomplètes et 16 ratés de percus¬sion. Le second rapport de la commis¬sion fit état des qualités et des dé¬fauts de l'arme, ajoutant que l'étanchéité des joints du système réfrigérant était insuffisante et que "la vapeur qui s'échappe par les joints gêne la visée et l'eau qui s'écoule est très désagréable pour le tireur (éclaboussures d'eau chaude sur les mains et sur la figure)".

Le rapporteur mentionnait à nouveau l'avantage qu'il y aurait, à supprimer ce système encombrant et à le remplacer par un canon étoffé à refroidissement par air. Néanmoins, et en dépit des incidents de tir qui étaient le fait, on le reconnut, de la seule cartouche, l'arme fut jugée intéressante et les résultats obtenus assez satisfaisants pour faire demander que ce modèle d'arme soit soumis à des essais plus étendus.
La guerre survint... Berthier, sans doute lassé, "laissa tomber" provisoirement la France et concentra son activité vers les Etats-Unis ; là encore il échoua, en raison de difficultés financières cette fois-ci, bien que son arme ait été commandée à plusieurs milliers d'exemplaires pour le service de l'armée et de la marine des U.S.A. Ce ne fut qu'après la guerre qu'il présenta à la France un troisième modèle d'arme conçu pour tirer la cartouche de 8mm dans les char¬geurs semi-circulaires déjà utilisés dans notre F.M. réglementaire de 1915 (C.S.R.G.).


 

Le système Berthier de 1916 et ses dérivés
L'étude de cette arme fut faite après les hostilités par la commis¬sion d'expériences de Versailles (note n° 45-A du 30 septembre 1920). Berthier avait tardivement répondu à nos desiderata en supprimant le système de réfrigéra¬tion, en étoffant le canon et en ajoutant un régulateur d'échappement des gaz pour le réglage de la poussée. Un garde-main en bois avait été adapté.
Nous n'avons pas retrouvé le pro¬cès-verbal original des essais de 1920 mais la commission d'expériences de Versailles mentionnait le 21 juin 1921 que le fonctionnement de cette arme avec notre cartouche de 8 mm avait été franchement mauvais. Berthier était bien entendu conscient des défauts irrémédiables de la cartouche française qui faisait injustement tort à ses armes. C'est pourquoi, il présenta à la commission de Versailles, le 4 mars 1921, quatre nouveaux modèles de fusils mitrailleurs d'essai que nous al¬lons rapidement passer en revue.

Le fusil mitrailleur n° 3:
II était semblable au F.M. de 1916, mais il avait été chambré pour la cartouche réglementaire américaine ("30-06") dont nous envisagions l'adoption en raison de ses qualités et du fait que des milliers d'armes américaines tirant cette cartouche avaient été fournies à la France durant la Première Guerre mondiale et étaient devenues armes réglementaires françaises par destination. Le F.M. pouvait être équipé, soit d'un canon léger sans radiateur ni dispositif réfrigérant, soit d'un canon lourd à ailettes ; il possédait un régulateur à gaz à 3 évents et tirait des chargeurs parallélépipédiques de 30 cartouches.

Le fusil mitrailleur n° 9:
II ne différait du précédent que par de menus détails d'organisation ; l'arme avait été simplifiée, une crosse en bois et une poignée pistolet avaient été ajoutées. Elle n'était livrée qu'avec un seul type de canon léger, mais celui-ci était facilement démontable en campagne. L'arme était chambrée pour la cartouche américaine.

Le fusil mitrailleur n° 12:
C'était une arme simplifiée et al-légée, tirant uniquement par rafales et chambrée pour la cartouche réglementaire britannique de calibre .303 (7,7mm) qui était également réglementaire en France en raison des nombreux F.M. Le-wis et mitrailleuses Vickers qui armaient notre aviation. Ce F.M. n° 12 possédait un canon très léger à démontage rapide, il était équipé d'une hausse à œilleton ; son levier d'armement était astucieusement constitué par le garde-main que l'on pouvait mouvoir à la façon d'un "fusil à pompe". Enfin, il utilisait des chargeurs curvilignes (en raison des bourrelets de la munition) contenant 25 cartouches.

Le fusil mitrailleur n° 13:
Ce dernier type d'arme était chambré pour la cartouche américaine, il possédait un garde-main et une crosse en bois ; le le¬vier d'armement avait été rétabli sous l'arme. Celle-ci était équipée d'un canon léger non démontable par l'utilisateur.
Toutes ces armes furent essayées conjointement puis comparées avec les fusils mitrailleurs Mad-sen, Hotchkiss, Lewis et BAR le 29 juin 1921. Voici, en ce qui concerne les armes Berthier, les remarques qui furent consignées au procès-verbal :
Points positifs: très bonne préci-sion du tir, bonne résistance à la poussière et à la boue, peu d'incidents de tir avec les cartouches américaines et britanniques (58 incidents sur 5300 coups tirés).
Points négatifs: après le tir de 300 cartouches, échauffement rapide des armes munies de canons légers rendant leur transport difficile ; culasse ne restant pas ouverte en fin de chargeur ; absence d'organisation pour le tir à blanc ,-absence de cache-flamme indispensable pour le tir de nuit; cadence théorique de tir un peu élevée 1389 à 465 coups minute) ; mise en joue laborieuse : "l'œil ne se trouve pas automatiquement sur le prolongement de la ligne de mire (crosse trop droite, sans pente de couche, appareil de pointage trop déporté sur la gauche)". Enfin, la durée de changement de canon (35 secondes par deux hommes debout) était jugée trop longue.
La commission d'expérience de Versailles fit ensuite une compa-raison de vitesses de tir pratique de 730 cartouches entre les armes suivantes : F.M. Madsen, Hotchkiss, Lewis, Berthier et BAR. C'est le F.M. Madsen qui remporta l'épreuve haut la main avec la vitesse de tir de 72 cartouches à la minute, suivi par les F.M. Hotchkiss et Lewis avec respectivement 51 et 50 cartouches à la minute. F.M. Berthier et F.M. BAR, de conception très proche, arrivèrent bons derniers avec 24 et 23 cartouches à la minute.

Les conclusions du rapport furent néfastes pour les armes Berthier, en voici la teneur : "Dans leur état actuel, les F.M. Berthier ont une vitesse de tir très inférieure à celle qui est réalisée dans d'autres armes de poids équivalent (F.M. Madsen) et à celle que demande l'infanterie pour l'arme automatique du groupe de combat. Enfin, si ces armes ont fonctionné d'une façon à peu près satisfaisante avec les cartouches américaines et anglaises, il ne faut pas oublier que le même fusil mitrailleur, établi pour la cartouche française, a donné des résultats franchement mauvais : ce fonctionnement défectueux dû à la forme conique de notre cartouche semble difficile à améliorer avec une arme de ce système... En résumé, dans son état actuel, le fusil mitrailleur Berthier ne saurait être retenu pour constituer dans l'armement de l'avenir l'arme du groupe de combat de l'infanterie". -"Le rapporteur, capitaine Morel, membre de la commission d'expériences de Versailles. Le général Emery, président. Versailles, le 21 juin 1921."
Néanmoins, l'arme était intéressante et on la tint en réserve. L'obstination de Berthier est quelque chose d'assez extraordinaire puisque, en dépit des échecs continuels essuyés depuis 1910, notre "Pacha" devait profiter cette fois de toutes les critiques qui avaient été émises sur ses dernières armes, et il présentait l'année suivante un fusil mitrailleur amélioré, appelé par lui "modèle 1922". C'est cette arme qui clôt la très longue série des armes d'essai Berthier et qui allait être mise sur les rangs pour le concours dont le vainqueur deviendrait le nouveau F.M. français.


 

Le système Berthier de 1922
L'arme était un "modèle n° 9" remodelé et muni d'un canon très étoffé avec des ailettes de refroidissement du type Hotchkiss ; à son extrémité était vissé le cache-flamme que l'on attendait depuis longtemps. Le levier d'armement, coulissant sur une longueur plus courte, avait été placé sur le côté droit, à sa position logique. La culasse avait été également renforcée et remodelée. Le bipied léger, d'un modèle classique à patins, n'encombrait plus l'arme et une béquille de crosse réglable pouvait s'ajuster à celle-ci ; la crosse était en bois ainsi que la poignée-pistolet et le garde-main. Tel quel, le F.M. avait bonne allure et fonctionnait très convenablement. Hélas! la malchance joua de nouveau pour notre compatriote et nous verrons une autre fois comment et pourquoi son arme ne devint pas notre fusil mitrailleur national.

La déception dut être grande pour Berthier, car le marché français prévoyait la mise en fabrication de 45 000 fusils mitrailleurs pour l'équipement de 55 grandes unités. Néanmoins, son arme était intéressante et les essais de 1922 et 1923 l'avaient mise en vedette ; l'Espagne, le Portugal, la Lettonie et quelques pays latino-américains en commandèrent une petite quantité, mais le résultat vraiment positif fut son adoption par les autorités britanniques alors en mal de fusil mitrailleur. C'est ainsi que la firme anglaise Vickers acheta en 1925 les brevets du modèle Berthier de 1922, remodela légèrement l'arme selon ses goûts qui prit alors la dénomination de fusil-mitrailleur "Vickers-Berthier".

En couronnement de 17 années d'efforts, Berthier voyait son arme abandonner pour la première fois l'appellation d'arme d'essai pour prendre celle, infiniment plus élogieuse, d'arme réglementaire de l'empire britannique. Mais cet enthousiasme fut de courte durée, car le F.M. Vickers-Berthier se trouva bientôt définitivement supplanté par le fameux "F.M. Bren", fruit de la coopération des armuriers tchèques et de l'industrie britannique. Ceci se passait aux alentours de 1930. Les Anglais ne rejetèrent cependant pas définitivement le Vickers-Berthier, mais le firent adopter comme arme automatique réglementaire dans l'armée indienne. A ce titre, l'arsenal d'Ishapore manufactura l'arme franco-anglaise en quantité substantielle, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle était encore récemment en usage limité dans l'armée indienne.

Afin d'illustrer nos propos, il restait à découvrir un fusil mitrailleur de ce type ; la tâche n'était guère facile, mais c'est grâce au musée de l'E.S.A.M. de Bourges que nous pouvons présenter la dernière création d'André Berthier Pacha, et donner ainsi du corps à "l'ombre" qui inspira et accompagna le F.M. Bar et qui faillit devenir arme réglementaire française. Oublié de tous, ou presque, le F.M. Vickers-Berthier termina une carrière sans grand éclat; bien qu'il ait logiquement dû faire le coup de feu contre les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale dans la jungle de Birmanie, nous n'avons pu découvrir jusqu'à présent aucune photographie qui prouverait sa présence sur le front.


 

Le Vickers-Berthier MKIII
L'arme réglementaire indienne n'est autre que le F.M. Berthier de 1922 modifié selon le goût anglais. L'arme d'Ishapore est très semblable à l'arme d'essai ; on doit cependant signaler les points de détail et les améliorations ci-après : Renforcement général de toutes les parties composant l'arme, abandon de la crosse droite en prolongement de l'axe du canon pour une crosse à pente, plus conventionnelle, et semblable à la crosse du fusil Lee-Enfield. On se rappellera que la commission d'examens de Versailles avait critiqué cette crosse droite qui rendait, selon elle, malaisée une prise de ligne de mire rapide. La nouvelle crosse a été munie d'une épaulière rabattable afin que l'arme soit mieux maintenue dans la position du tireur couché. La poignée-pistolet a été étoffée ainsi que le levier sélecteur de tir qui est commandé par un large bouton moleté commodément placé derrière la queue de détente. La hausse a été traitée comme un appareil de précision de pièce d'artillerie et le garde-main supprimé.
Une poignée de portage servant également de levier lors du démontage rapide du canon représente l'une des modifications les plus importantes et les plus utiles apportées à l'arme d'origine. Le canon lourd démontable a été débarrassé de ses ailettes et un frein de bouche avec déflecteur ajouté à son extrémité. Enfin, un bipied repliable a été fixé sur la tubulure à gaz près du régulateur.
L'arme présente un aspect massif ; elle est en fait plus une mitrailleuse légère qu'un fusil mitrailleur. Elle est également assez compliquée dans sa forme et les diverses pièces qui la composent exigeaient des passages répétés à la machine-outil, rendant la manufacture longue et coûteuse. En contrepartie, l'arme était conçue pour résister aux ans et sa finition est remarquable ; il reste, dans le "Vickers-Berthier", quelques archaïsmes qui constituent en quelque sorte les lettres de noblesse d'une très longue lignée dont l'arme d'Ishapore fut le dernier représentant, mort sans laisser de descendance.